Points de langue

Le blog de moncorrecteur.net

En plus de la correction professionnelle de tous vos textes, je propose quelques astuces avec ce blog pour répondre aux questions que vous vous posez sur la langue française.

 

 

 

Travailler son style littéraire avec un correcteur professionnel

30/09/2024

Travailler son style littéraire avec un correcteur professionnel

Dans mon dernier article (disponible en cliquant ici), je vous montrais la valeur ajoutée de la correction approfondie professionnelle par rapport à une simple relecture, et je mentionnais notamment le travail optionnel sur le style du texte. Aujourd’hui, je reviens un peu plus en détail sur cette notion de style pour vous permettre de comprendre l’intérêt spécifique de cette prestation complémentaire et ce que le manuscrit y gagne au final.

 

Sommaire

Qu’est-ce que le style ?

En quoi consiste mon travail sur le style en tant que correcteur ?

À qui s’adresse l’option style ?

En résumé, les avantages et inconvénients du travail sur le style réalisé par un correcteur professionnel indépendant.

Combien coûte l’option style ?

Référence

 

 


1. Qu’est-ce que le style ?
Le mot propose une ribambelle de définitions qui s’étendent depuis des outils antiques jusqu’à nos façons d’être. Celle qui nous intéresse aujourd’hui concerne bien évidemment l’écriture, et les définitions du Robert me semblent pertinentes :

« 1. Part de l’expression (notamment écrite) qui est laissée à la liberté de chacun, n’est pas directement imposée par les normes, les règles de l’usage, de la langue » et : « 2. Manière d’écrire présentant des qualités artistiques. »


Ces définitions nous éclairent déjà sur la raison qui me pousse à proposer cette prestation de travail sur le style en option uniquement, sans l’inclure dans la correction approfondie de base : la liberté à l’extérieur des normes de la langue et le côté artistique sont par essence subjectifs, propres à chacun. Le style dépend de ce que l’auteur ou l’autrice veut véhiculer (comme émotions, comme message, etc.) et de quelle manière. C’est en quelque sorte sa « patte », sa signature caractéristique.


On reconnaît par exemple du Tolkien grâce à la richesse du vocabulaire employé, à ses descriptions saisissantes, à la complexité de ses phrases qui confèrent une musique au texte ou encore au côté épique (et cela peut varier, voyez les différences entre le Hobbit et le Silmarillion : le style dépend aussi de qui va lire le texte). On reconnaît du Terry Pratchett pour la fluidité ininterrompue de ses récits, l’absence de chapitres, les jeux de mots, la drôlerie intelligente de l’humour et les emplois typographiques peu conventionnels. Tous ces éléments sont à l’extérieur des règles et relèvent de choix de ces auteurs. C’est leur style.

 

 

 

2. En quoi consiste mon travail sur le style en tant que correcteur ?
C’est une prestation complémentaire de la correction approfondie (je dois déjà corriger le texte pour pouvoir le retravailler, tout comme on ne construit pas une maison sur de mauvaises fondations) qui vise à comprendre les qualités et les défauts d’un texte afin de proposer de nombreuses suggestions de modification en marge du document. 


Si je parle de qualités et de défauts, c’est-à-dire d’éléments concrets, quantifiables et plus ou moins objectifs alors que je viens de montrer que le style est par essence quelque chose de subjectif, ce n’est pas par hasard. Mon travail avec cette option sur un manuscrit en tant que correcteur professionnel va être de réfléchir à ce qui est constitutif du style et ce qui relève de la faiblesse. Par exemple, on peut considérer qu’un paragraphe de quatre lignes qui comprend cinq adverbes qui se terminent par -ment est assez « lourd ». Cela peut être une faiblesse si l’auteur ou l’autrice n’a pas réfléchi à la question et que c’est un accident, ou alors partie intégrante du style si c’est pour montrer quelque chose (par exemple le caractère d’un personnage si l’on est dans une réplique). À moi de démêler ce qui est volontaire de ce qui ne l’est pas, et de trouver le moyen d’aider à améliorer ce qui peut l’être !

 


A. Ce que je vérifie
Je m’imprègne donc du texte et je repère ce qui est voulu et ce qui est accidentel en me basant sur des éléments vérifiables, parmi lesquels (mais pas exclusivement) :


– Les répétitions. Est-ce que ce mot répété cinq fois en trois lignes montre un manque de variété du vocabulaire ou à l’inverse sert la narration d’une façon ou d’une autre ? Est-ce que c’est choquant à la lecture, ou gênant, ou au contraire est-ce que ça sonne bien ?
Les verbes ternes. Ce sont les verbes que l’on utilise automatiquement, sans y penser, alors qu’un verbe moins courant, plus riche et précis serait plus adapté. Là encore, s’ils ne sont pas réfléchis pour montrer quelque chose ou pour une question de rythme, ils peuvent constituer une faiblesse d’écriture. Je pense aux verbes avoir, faire, aller, mettre
– Dans la même lignée, on retrouve le vocabulaire peu précis. Cela arrive quand l’auteur ou l’autrice ne connaît pas forcément en profondeur un domaine sur lequel il ou elle écrit, et c’est parfaitement normal. Par exemple, parler du « Klaxon » d’un bateau alors qu’il serait peut-être plus pertinent d’écrire « corne de brume ». À l’inverse, vous pouvez constater par exemple chez Jaworski (Janua Vera ; Gagner la guerre, etc.) à quel point le vocabulaire est riche et précis et comment cela profite au texte et rend crédible un univers pourtant de fiction.
– Les lourdeurs. J’ai déjà cité l’emploi abusif d’adverbes qui viennent alourdir un texte, mais on retrouve dans cette catégorie la syntaxe, avec des phrases qui peuvent être laborieuses. Comme toujours, la question est de savoir si cela est volontaire et constitutif de ce qui est raconté ou pas : je travaille alors sur la fluidité du texte. J’ajoute aussi les tournures impersonnelles ou passives, dont je questionne la pertinence et la fréquence (les « il s’agit », « il faut », « il a été décidé », etc.) ou encore les connecteurs logiques trop scolaires pour des textes littéraires (« en effet », « par conséquent », etc.).

 

 

B. Une démarche de proposition et collaborative
J’attache une grande importance au respect du texte que je corrige, c’est pourquoi je n’applique bien évidemment pas directement au document les modifications que je pense pertinentes pour améliorer les points cités plus haut. Je propose des reformulations par le biais de suggestions que j’écris en marge du document avec l’outil de commentaires de Word. C’est ensuite l’auteur ou l’autrice qui décide d’intégrer ou non les propositions d’amélioration du style à son manuscrit au cas par cas, ce qui permet de garder la main tout en entrant dans une démarche d’échanges constructifs. Même des recommandations qui ne sont pas retenues au final peuvent enrichir un texte grâce à la réflexion qu’elles ont engendrée !


Concrètement, l’auteur ou l’autrice reçoit le manuscrit avec mes corrections, et les mots ou phrases que je suggère de revoir apparaissent surlignés avec un commentaire qui explique pourquoi et comment je propose de retravailler le passage. Ce n’est pas une réécriture, donc il ne s’agit pas de reprendre chaque phrase et de les reformuler, mais plutôt de se concentrer sur des points précis, en fonction du style de chacun. C’est donc une prestation très personnalisée que je tente d’adapter aux différents besoins, et qui par essence reste aussi subjective : mes recommandations reflètent mes propres expériences.

 

 

C. Trois exemples
– Premier exemple avec une phrase qui présente une faiblesse ponctuelle :

 

« Par cette nuit de pleine lune, elle file au gré du vent qui siffle à ses oreilles. Perdue dans ses pensées, les cheveux au vent, elle progresse. »


Dans ce cas, je surligne « au vent » (une répétition qui me paraît involontaire) et je formule un commentaire qui ressemble à cela :

 

« Répétition. Suggestion : “… les cheveux virevoltant dans son sillage, elle progresse.” »

 

Ainsi, l’auteur ou l’autrice pour décider d’intégrer ma proposition ou non. Vous seriez surpris de voir à quel point on a tous et toutes tendance à créer des répétitions dans nos textes, même aboutis, et c’est valable aussi pour les écrivains confirmés !

 

 

– Voici une autre phrase avec une faiblesse ponctuelle :


« La créature se terrait. Il faisait froid et elle avait faim, mais ne perdait pas espoir. Bientôt, elle trouverait de quoi subsister. »


Avec cet exemple, je surligne « Il faisait froid et elle avait faim » (la tournure est impersonnelle et les verbes employés sont ternes et gagneraient selon moi à être enrichis). J’écris donc le commentaire suivant :

 

« Impersonnel et terne. Suggestion : “La créature se terrait. Elle ne perdait pas espoir malgré la faim et le froid qui la tenaillaient…” »


Ici, j’ai reformulé pour enrichir le vocabulaire et la tournure, tout en respectant la structure choisie à l’origine avec trois phrases plutôt brèves, car ce n’est pas parce qu’on travaille le style qu’on doit le modifier en profondeur. Il s’agit d’aider à améliorer un style personnel existant, et, là encore, l’auteur ou l’autrice garde la main et décide d’intégrer ou non la proposition.

 

 

– Enfin, une phrase au style très pauvre (c’est rare de combiner autant d’éléments pour une même phrase, mais c’est pour illustrer mon propos que j’exagère un peu ici) :


« Il a faim, donc il met son chapeau de cuisinier, va à la cuisine et fait à manger pour combler sa faim. Il marche vers l’homme devant lui. Ce dernier a les cheveux noirs et lui fait un signe de tête. »


Dans ce cas, je propose une reformulation complète si je pense que l’intégralité de la phrase est à revoir, par exemple  :

 

« Lourdeur et terne, à reformuler. Suggestion : “Un gargouillis d’estomac, et le voilà qui enfile sa toque, direction la cuisine pour préparer le dîner. Elle est occupée par un homme aux cheveux noirs, qui lui adresse un signe de tête.” »


Le texte d’origine reste inchangé, mais la proposition apparaît en marge du document et c’est à nouveau l’auteur ou l’autrice qui choisit de modifier sa phrase (ou non).

 

 

Ce qu’il faut retenir avec ces exemples, c’est qu’en tant que correcteur, je mets en évidence les éléments qui peuvent constituer une faiblesse pour aider l’auteur ou l’autrice à travailler sur son texte, et j’accompagne systématiquement mes remarques de suggestions prêtes à l’emploi.

 

 

 

3. À qui s’adresse l’option style ?
Vous vous en doutez, tout le monde ne ressent pas le besoin d’un travail sur le style, pour différentes raisons. Certains ne veulent pas que leur premier jet soit trop éloigné du résultat final, on peut considérer que leur style est celui qu’ils obtiennent dès qu’ils écrivent, qu’il se construit naturellement au fur et à mesure. D’autres ne souhaitent pas que leur texte soit modifié et désirent que leur style reflète leur vision propre, avec ses qualités et ses défauts. Toutes les démarches sont valables et peuvent se justifier si on les réfléchit.


Pour autant, ce travail sur le style est pertinent pour tous et toutes, car il introduit une réflexion et un échange qui seront forcément bénéfiques au texte. Pour les autrices ou auteurs débutants, cela peut aider à mettre le doigt sur des faiblesses ou à s’exercer à réfléchir sur son manuscrit, et les discussions sont un bon moyen de l’enrichir. Pour les personnes plus confirmées (qui ont déjà publié plusieurs fois, par exemple), cela permet de comprendre des tics involontaires à reconsidérer ou de travailler sur un sujet qu’on ne maîtrise pas du bout des doigts, tout en entraînant cette même réflexion vertueuse utile à chaque manuscrit.

 

 

 

4. En résumé
Le style est la manière typique et personnelle que chacun a d’écrire un manuscrit donné, sans lien avec les règles d’orthographe, de grammaire ou de typographie. C’est donc une caractéristique subjective d’un texte, qui dépend de nos sensibilités, de nos préférences et de nos expériences de lecture. Cependant, on peut identifier des éléments quantifiables sur lesquels réfléchir pour enrichir un manuscrit, à travers le traitement des répétitions, des verbes ternes, du vocabulaire pauvre et des lourdeurs, entre autres : déterminer si ces éléments sont employés volontairement et de quelle manière permet alors de créer des propositions personnalisées pour améliorer le texte.

 

Les avantages du travail sur le style réalisé par un correcteur professionnel indépendant

– Cela permet de disposer d’un regard extérieur sur son texte qui s’étend au-delà des simples règles d’orthographe, de grammaire et de typographie.
– Cela entraîne un échange dans une démarche commune d’enrichissement du texte. Les propositions génèrent de la réflexion et mettent le doigt sur des axes d’amélioration.
– Cela permet de disposer de propositions concrètes et utilisables tout de suite  afin d’éliminer efficacement les faiblesses identifiées du texte. Si les propositions que je formule vous conviennent, vous pouvez facilement les intégrer à votre texte.

 

Les inconvénients du travail sur le style réalisé par un correcteur professionnel indépendant

– C’est une option qui prend du temps. Je considère que le travail sur un manuscrit me prendra deux fois plus de temps si je me penche sur le style que si je me concentre sur la seule correction approfondie. Cela demande aussi du temps de passer en revue les nombreux commentaires que je formule et décider de les intégrer ou non.
– Qui dit plus de temps de travail dit une prestation plus coûteuse.
– C’est une prestation qui traite d’éléments subjectifs, propres à la sensibilité de chacun.

 

 

 

5. Combien coûte l’option style ?
Mon tarif de base pour l’option style en complément d’une correction approfondie est de 0,90 € les 1000 signes avec espaces, et peut légèrement varier au cas par cas.


Cela signifie que si votre manuscrit est de 430 000 signes, votre tarif sera de 430*2,4 = 1 032 €.

(Le « 2,4 » est composé de 1,50 € de correction approfondie, mon tarif moyen, et de 0,90 € d’option style.)

 

Dans tous les cas, mes tarifs de correcteur indépendant sont établis après échange avec vous et adaptés à chaque manuscrit. Vous pouvez consulter toutes mes prestations à partir de ce lien, et me contacter depuis cette page.

 

 

 

Référence
Le Robert, en ligne, consulté le 26 septembre 2024 à l’adresse https://dictionnaire.lerobert.com/definition/style

La correction approfondie et professionnelle de manuscrits

09/02/2024

La correction approfondie et professionnelle de manuscrits

Sommaire


Relecture ou correction approfondie ?


Les raffinements qui font la correction approfondie


Exemple d’application d’une correction approfondie


En résumé, les avantages et inconvénients de la correction approfondie réalisée par un correcteur indépendant

Combien coûte une correction approfondie ?
Références

 

(Note : la plateforme qui héberge ce site ne permet pas de gérer les différents types d’espaces. En fonction de votre appareil et de votre navigateur, il se peut que vous constatiez des incohérences sur les espaces, surtout sur smartphone. Sur un logiciel de traitement de texte, ces éventuelles imperfections, comme un point d’interrogation en début de ligne, ne peuvent pas apparaître si le travail sur les espaces a été correctement réalisé, ce qui est le cas dans une correction approfondie.)

 

 

1. Relecture ou correction approfondie ?
Je distingue d’abord la correction, ou correction approfondie, souvent désignée par les maisons d’édition comme préparation de copie, d’une relecture. 


Pour ce que l’on nomme relecture sur épreuves, il s’agit de relire (re-lecture, vous l’avez ?) un texte qui a déjà été corrigé (par une ou un professionnel) et mis en pages, afin d’en ôter les coquilles et de vérifier que le travail graphique n’a pas introduit d’erreur (en assurant par exemple le foliotage, la numération des pages). 


Pour la correction approfondie, le correcteur ou la correctrice doit préparer le manuscrit pour l’éditeur, pour qu’il soit quasi définitif en vue de sa mise en pages (préparation de copie, emphase sur le premier terme). On pourrait distinguer préparation de copie et correction, mais en pratique, en tout cas dans ma pratique de correcteur indépendant, c’est une prestation globale. Cela inclut bien entendu la vérification de l’orthographe, des conjugaisons et accords des participes, de la syntaxe, des coquilles et doublons involontaires, et j’en passe. 


Mais proposer un français irréprochable selon certains standards ne permet pas d’assurer le côté professionnel de son manuscrit. Qu’est-ce qui fait qu’un livre, ou plutôt son texte, tel qu’on le lit une fois acheté à la librairie, ressemble à ce qu’il est ? Qu’il est agréable, facile à parcourir, clair ? Qu’aucune ambiguïté ou difficulté ne vient s’interposer entre l’auteur ou l’autrice et la personne qui va découvrir l’ouvrage ? Pour répondre à ces interrogations, il faut mobiliser tout un tas de petites choses que le lecteur ou la lectrice ne percevra même pas : et ça tombe bien, car le but de ces raffinements est non seulement de rester aussi discrets que possible, mais également de fluidifier l’expérience de lecture. Cela représente un travail considérable, très chronophage et quasi invisible à la fin pour le profane.

 

 

2. Les raffinements qui font la correction approfondie
Une fois, alors que je soumettais un devis de correction à un auteur en herbe, celui-ci, en voyant que je comptais le nombre de caractères avec les espaces pour établir mon tarif, m’a simplement répondu sur un ton péremptoire : « Mais, monsieur, les espaces, ça ne se corrige pas ! » Première nouvelle. Rien n’est plus faux, et cela fait justement partie de tous ces détails qui font qu’un texte est professionnel. Sur ce point, je vous renvoie à mon article de blog que vous retrouverez en cliquant ici, si vous souhaitez en savoir plus sur les différents types d’espaces et leurs usages.

 


A. La typographie 

Ce travail considérable, ce raffinement dont je parle est d’une part représenté par la typographie. Typographe, c’est un métier à part entière, c’est une discipline indispensable à tout texte destiné à être lu. C’est un peu comme le saucier des grandes cuisines. C’est grâce à l’orthotypographie que le texte est lisible, que les mots ne se chevauchent pas n’importe comment, qu’ils sont coupés proprement à chaque retour à la ligne, qu’une lettre en italique ne vient pas empiéter sur l’appel de note qui suit, que les dialogues sont aisément compréhensibles par tous sans même avoir besoin d’y penser. 

 

Des tirets et des répliques bien alignés ? Merci la typographie !

Les points d’interrogation ne peuvent se glisser en début de ligne ? Merci la typographie !

L’emploi cohérent de l’italique permet d’immédiatement identifier ici un titre, là un hôtel ? Encore merci la typographie !

 

L’orthotypographie, c’est, je dirais, prendre soin des caractères invisibles du texte et de tout ce qui peut sembler anecdotique afin de soigner sa composition, de l’emploi des majuscules à la ponctuation. C’est un point d’autant plus crucial à l’heure des livres numériques et des liseuses, car la mise en page dynamique générée par l’appareil qui affiche le texte ne fait pas de cadeau à celles et ceux qui oublient l’orthotypographie, avec des mots tronqués, des espaces sans cohérence, une présentation illisible de dialogues, etc. 

Avec la correction approfondie, c’est la ou le correcteur qui insère les données directement dans le document, ce qui facilite son exportation dans différents formats.


Pour celles et ceux que ça intéresse, je conseille l’excellent dictionnaire raisonné de Jean-Pierre Lacroux, Orthotypographie, sous licence libre. 

 

 

B. Le travail de fond
D’autre part, la ou le correcteur en préparation de copie réalise une grande quantité de vérifications de cohérence, de fond. C’est à ce stade que l’on signale qu’un personnage parlait en argot au chapitre 2, et qu’il emploie maintenant au chapitre 4 un langage soutenu alors que ce n’est jamais justifié dans le manuscrit. C’est à ce stade que l’on signale que l’inspecteur Bidule n’appuie pas sur la gâchette, mais bien sur la détente de son pistolet pour faire feu. C’est à ce stade que l’on signale que madame de Machin, dans le cadre d’un roman historique, n’a pas pu s’entretenir avec Louis XIV en 1723, ce dernier étant mort en 1715. Qu’un personnage décrit comme roux est évoqué par sa belle chevelure blonde un peu plus tard. 

 

Vous avez l’idée.

 

La correction approfondie, c’est un accompagnement à tous les niveaux, y compris le fond, c’est une aide à l’auteur ou l’autrice, à qui l’on propose des modifications qui semblent pertinentes.

J’insiste sur le côté proposition : la personne chargée de la correction n’a pas, selon moi, à intervenir directement pour changer le fond d’un texte, mais fait remarquer les incohérences. C’est à l’auteur ou à l’autrice de décider ensuite quoi faire, et il est parfaitement possible d’opter pour quelques incohérences volontaires !

 

 

C. Le travail sur le style
Enfin, dans le cadre d’une correction approfondie, on peut également choisir de retravailler le style du texte, en éliminant les lourdeurs, les répétitions, les verbes ternes ; en reformulant certains passages et réécrivant certaines phrases. Cette démarche est, encore une fois, de l’ordre de la proposition, l’autrice ou l’auteur reste seul maître de son texte. Il s’agit d’une prestation que je propose en option, non incluse dans celle de base, car vous pouvez ne pas en ressentir le besoin ou ne pas souhaiter que le texte soit modifié. 

 

 

3. Exemple d’application d’une correction approfondie

 

A. Document de travail, avant et après correction
Voici un extrait de manuscrit à corriger. Imaginons qu’Arthur Conan Doyle ait eu l’idée de faire appel à mes services pour la version française d’Une étude en rouge (j’ai ajouté les erreurs moi-même…) :

 

« Docteur Watson, Mr Sherlock Holmes dit Stamford en nous présentant l’un à l’autre.
— Comment allez-vous ?” dit-il cordialement
Il me serra la main avec une vigueur dont je ne l’aurai pas cru capable.
« Vous avez été en afghanistan, à ce que je vois !
— Comment diable le savez-vous ? » demandai-je avec étonnement.
– Ah çà !... »
Il rit en lui-même.
« La question du jour, reprit-il, c’est l’hémogmobine ! Vous comprenez sans doute l’importance de ma découverte ?
— Au point de vue chimique, oui, répondis-je mais au point de vue pratique…
-Mais, cher monsieur, c’est la découverte médico-légale la plus utile qu’on ait faite
depuis des années ! Ne voyez-vous pas qu’elle nous permettra de déceler infailliblement les tâches de sang

? Venez par ici !
Dans son ardeur, il me prend par la manche et m’entraîne vers sa table de travail.
« Prenons un peu de sang frais, dit-il. (il planta dans son doigt un long poinçon et recueillit au moyen d’une pipette le sang de la piqûre) Maintenant j’ajoute cette petite quantité de sang à 1 litre d’eau. Le mélange qui en résulte, a, comme vous voyiez, l’apparence de l’eau pure. La proportion du sang ne dois pas être de plus d’un millionième. Je ne doute pas cependant d’obtenir la réaction caractéristique. »
Tout en parlant, il jeta quelques cristaux blancs ; puis il versa quelques gouttes d’un liquide incolore. Aussitôt le composé prit une teinte d’acajou sombre
; en même temps, une poussière brunâtre se déposa.

 

 

Voici le texte avec l’ensemble des corrections appliquées mises en valeur en rouge.

 

« Docteur Watson, M. Sherlock Holmes, dit Stamford en nous présentant l’un à l’autre.
— Comment allez-vous ? » dit-il cordialement.
Il me serra la main avec une vigueur dont je ne l’aurais pas cru capable.
« Vous avez été en Afghanistan, à ce que je vois !
— Comment diable le savez-vous ? demandai-je avec étonnement.
Ah çà !... »
Il rit en lui-même.
« La question du jour, reprit-il, c’est l’hémoglobine ! Vous comprenez sans doute l’importance de ma découverte ?
— Au point de vue chimique, oui, répondis-je, mais au point de vue pratique…
 Mais, cher monsieur, c’est la découverte médico-légale la plus utile qu’on ait faite depuis des années ! Ne voyez-vous pas qu’elle nous permettra de déceler infailliblement les taches de sang ? Venez par ici ! »
Dans son ardeur, il me prit par la manche et m’entraîna vers sa table de travail.
« Prenons un peu de sang frais, dit-il. (Il planta dans son doigt un long poinçon et recueillit au moyen d’une pipette le sang de la piqûre.) Maintenant, j’ajoute cette petite quantité de sang à un litre d’eau. Le mélange qui en résulte a, comme vous voyez, l’apparence de l’eau pure. La proportion du sang ne doit pas être de plus d’un millionième. Je ne doute pas cependant d’obtenir la réaction caractéristique. »
Tout en parlant, il jeta quelques cristaux blancs ; puis il versa quelques gouttes d’un liquide incolore. Aussitôt le composé prit une teinte d’acajou sombre ; en même temps, une poussière brunâtre se déposa.

 

 

B. Détails des corrections

Pour corriger ce texte, je vérifie dans un premier temps l’orthotypographie.

– Je m’assure que la présentation des dialogues est cohérente. Dans notre exemple, je vois que le tiret cadratin est utilisé pour introduire les répliques, sauf à deux moments : il y a un tiret demi-cadratin et même un trait d’union qui n’est pas suivi d’une espace insécable, ce qui est incohérent et empêche l’alignement des répliques. 

– Je vérifie que les espaces sont du bon type aux bons endroits. Je constate que l’espace qui précède le point d’interrogation de la huitième réplique est justifiante, alors qu’elle devrait être fine, tout comme celle qui précède le point-virgule de la dernière phrase, ce qui a engendré deux retours à la ligne malheureux. 

– Je corrige également l’emploi des guillemets. Je remplace le guillemet anglais perdu par un guillemet français, je supprime le guillemet en trop et ajoute celui qui manque.


Ensuite, j’entre dans le texte. Je m’assure :

– de l’orthographe ;

– de la grammaire ;

– de la ponctuation ;

– de la syntaxe ;

– qu’il ne faudrait pas passer un terme en italique ;

– etc.

Je vous épargne le compte-rendu complet des modifications et des fautes banales, vous pouvez consulter le texte corrigé ci-dessus, mais je reviens sur quelques points importants pour la correction approfondie de notre exemple.

 

Je procède à diverses vérifications et annotations. 

– Je vérifie que les abréviations sont correctes. Dès la première ligne, je constate que l’abréviation utilisée est Mr, à la place de M. en français, je demande donc en commentaire à l’auteur s’il souhaite rester sur ce modèle pour souligner le côté anglais ou s’il veut passer à l’abréviation française. 

– Je vérifie également que le nom Stamford est écrit correctement, en comparant les différentes occurrences dans le manuscrit. Je liste les noms propres pour référence.
– Je prends note que Watson est étonné que Holmes fasse preuve de vigueur lors de la poignée de mains, ce qui nous éclaire sur la description des personnages et pourrait être utile à l’avenir pour vérifier les éventuelles incohérences.


Pour la cohérence et l’harmonisation :

– je me penche sur la phrase « Dans son ardeur, il me prend par la manche et m’entraîne vers sa table de travail », qui est au présent alors que le reste du récit est au passé ;

– je m’assure que l’écriture des nombres est cohérente (en chiffres ou en lettres, et dans quels contextes). Je corrige ainsi le « 1 litre » par « un litre » et je prends note de traiter les nombres à venir de la même façon.

 

 


4. En résumé
Nous venons de le voir et de le mettre en pratique, la correction approfondie d’un manuscrit est bien plus qu’une relecture de surface dont le but serait seulement de nous débarrasser des fautes d’orthographe. Il s’agit de réfléchir à différentes échelles sur un texte, du plus petit élément (l’espace fine insécable, par exemple, invisible et pourtant essentielle) à la plus grande échelle (comment sont décrits les personnages à l’échelle du manuscrit entier). C’est un travail qui exige une forte implication, une concentration de tous les instants et une curiosité indispensable pour réaliser les diverses vérifications. En bref, c’est une tâche chronophage, qui demande de l’expérience et des compétences qui dépassent la simple maîtrise de la langue ; c’est tout un métier.

 

 

Les avantages de la correction approfondie réalisée par un correcteur indépendant
– Elle permet de corriger les fautes d’orthographe, de grammaire, de syntaxe, etc.
– Elle assure la qualité professionnelle de présentation du texte, notamment grâce à l’orthotypographie, et permet à celui-ci d’être prêt pour la mise en pages définitive à venir.
– Elle garantit la cohérence du manuscrit, tant sur le fond (personnages, histoire…) que sur la forme (emploi de l’italique, des chiffres…).
– Elle entraîne une réflexion, un échange entre correcteur et auteur ; et quoi de plus efficace pour améliorer son texte que d’y réfléchir ?

 

 

Les inconvénients de la correction approfondie réalisée par un correcteur indépendant
– C’est une prestation qui prend un certain temps pour être menée correctement.
– C’est une prestation plus coûteuse qu’une simple relecture de surface, en lien direct avec le temps nécessaire pour la réaliser.
– C’est une prestation qui demande une implication et un travail d’intégration de la part de l’auteur ou de l’autrice, qui, suivant ou non les recommandations, choisit de modifier ou de ne pas modifier son texte. C’est donc une démarche active.

 

 

 

5. Combien coûte une correction approfondie ?

Mon tarif de base pour une correction approfondie est, en moyenne pour un texte littéraire, à 1,50 € les 1000 signes avec espaces.

Cela signifie que si votre manuscrit est de 430 000 signes, votre tarif sera de 430*1,5 = 645 €.

Pour ce tarif pour 1000 signes avec espaces, comptez un peu moins de 1,50 € si votre texte est long, et un peu plus s’il est technique. (Plus le texte est long, et plus le tarif unitaire est bas.)


Dans tous les cas, mes tarifs de correcteur indépendant sont établis après échange avec vous. Vous pouvez consulter toutes mes prestations à partir de ce lien, et me contacter à partir de cette page.

 

 

Références

CONAN DOYLE, Arthur, Une étude en rouge, texte libre de droits, 1887.


LACROUX, Jean-Pierre, Orthotypographie, sous licence creative commons que l’on peut consulter sur http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/2.0/fr/, 2007.

ChatGPT, une menace pour les correcteurs professionnels ?

01/09/2023

ChatGPT, une menace pour les correcteurs professionnels ?

J’ai lu ici et là que le métier de correcteur professionnel était menacé par l’intelligence artificielle, tout comme ceux de l’écriture en général ou des artistes. C’est vrai, pourquoi payer quand on peut demander à un robot conversationnel de reprendre nos fautes d’orthographe gratuitement ou à une IA de générer la couverture de notre prochain roman ? Je me suis donc inscrit à ChatGPT pour en avoir le cœur net, et voici mon expérience.


Sommaire

Introduction
Le texte de travail, avec tout un tas de fautes
Analyse de la proposition de correction de ChatGPT
Résumé de l’analyse
Le texte corrigé à la main
Conclusion

 

 

Introduction

Tout d’abord, il faut savoir que je ne prétends pas mener une recherche exhaustive avec des méthodes scientifiques, je laisse cela aux spécialistes. Je retranscris simplement mon opinion telle que je l’ai forgée grâce à mon expérience personnelle, ponctuelle et limitée.

 

ChatGPT est un « agent conversationnel utilisant l’intelligence artificielle […] spécialisé dans le dialogue ». (Source : Wikipédia.) C’est un outil en ligne avec lequel des humains peuvent dialoguer par texte, et qui est capable d’entretenir une conversation, de faire des recherches pour vous, de conseiller quelqu’un, voire d’écrire des articles. (Entre autres.)


Cela étant dit, sachez que j’ai utilisé la version GPT-3.5 pour essayer de corriger un extrait de texte avec la demande : « Peux-tu corriger l’extrait suivant selon les normes orthographiques françaises traditionnelles et les normes typographiques de l’Imprimerie Nationale ? »

 

Mise à jour du 12 juin 2024 : j’ai retenté l’expérience avec la version GTP-4o, et mes conclusions n’ont pas changé. L’outil fait les mêmes erreurs et se permet en plus de modifier davantage le texte, ce qui montre que la tendance n’est pas vers une démarche littéraire et de respect des écrits.

 

 

 

Le texte de travail, avec tout un tas de fautes

 Le texte à corriger comportait 778 caractères avec les espaces, le voici en intégralité.

(Attention, le texte ci-dessous de couleur orange est bourré de fautes ! Cascade à ne pas reproduire chez vous. D’ailleurs, ce qui est écrit est faux, je n’ai aucun talent en peinture, je n’ose imaginer le massacre si je m’attaquais à des figurines.)

 

J’adore peindre des figurines du Seigneur des Anneaux! Quand on regarde ma collection, on s’exclame souvent sur “les heures et les heures qu’ont nécessité ce travail d’orfevre.” Je me suis inspirer des illustrations d’Alan lee pour les couleurs et le travail sur les textures. Par exemple pour les arbres ors et jaunes de Fendeval, trouvés chez cet artiste qui a commencé sa carrière dès 1897. J’aime particulièrement peindre troupes d’aventuriers, comme dans Le Hobbit. C’est une expérience a essayer ! Mais imaginez le boulot sur les détails quand on s’occupe d’une dizaine de petits êtres à la tête desquelles se trouve gandalf, bien plus grand. La fièvre du Seigneur des Anneaux n’est pas prête de retomber, comme à l’époque où on achetait nos badges « Gandalf président ! ». 

 

 

Analyse de la proposition de correction de ChatGPT

Voici l’analyse que je fais de la proposition de l’IA (proposition signalée avec le texte en rouge ci-dessous), phrase par phrase. Sans rien divulgâcher, il reste un paquet d’erreurs. Je précise que l’outil m’a répondu d’un bloc, mais que j’ai scindé ici son texte pour insérer mes commentaires afin de fluidifier la lecture.

 

  

J’adore peindre des figurines du Seigneur des Anneaux !

 

Dans cette première phrase, l’outil a bien repéré qu’il manquait une espace entre le titre et le point d’exclamation, mais il a mis une espace sécable, et non une fine. Je vous invite à consulter cet article pour en apprendre plus sur les espaces, mais sachez qu’avec une espace sécable ici, on risque de se retrouver avec le point d’exclamation en tête de ligne lors de la mise en page finale. De plus, il n’a pas passé le titre en italique. Niveau typographie, la première phrase prouve que le compte n’est pas bon ! Je lui ai donc demandé de revoir la typographie, et il a été capable de passer les titres en italique pour l’extrait entier. J’ai dû ensuite demander explicitement qu’il ajoute les espaces insécables et fines aux bons endroits, ce qu’il est parvenu à faire. Mais quel auteur ou autrice irait itérer ainsi pour obtenir ce résultat ?

 

Continuons l’analyse.

 


Quand on regarde ma collection, on s’exclame souvent sur « les heures et les heures qu’ont nécessité ce travail d’orfèvre ».

 

Dans cette deuxième phrase, ChatGPT a correctement remplacé les guillemets anglais par des guillemets français et ajouté l’accent à orfèvre. De plus, il a repositionné le point à l’extérieur des guillemets, c’est satisfaisant ! Mais il a laissé des erreurs grossières, le verbe n’est pas conjugué à la bonne personne et le participe passé n’est pas bien accordé (il fallait écrire « … les heures qu’a nécessitées ce travail… »).  

 


Je me suis inspiré des illustrations d’Alan Lee pour les couleurs et le travail sur les textures.

 

L’outil a bien corrigé la troisième phrase, assez simple, et ajouté la majuscule au nom propre.

 


Par exemple, pour les arbres d’or et de jaune de Fendeval, trouvés chez cet artiste qui a commencé sa carrière dès 1897.

 

La quatrième phrase est très intéressante, car l’IA prend la liberté de modifier le texte pour éviter le problème d’accord des couleurs. Elle aurait dû écrire « … pour les arbres or et jaune… » (Or reste toujours invariable en tant qu’adjectif de couleur, et, dans ce contexte, jaune aussi, parce que chaque arbre contient de l’or et du jaune dans l’illustration en question.) Fendeval a été passé en italique quand j’ai demandé de revoir la typographie, mais c’est le nom d’un lieu dans les livres, il fallait le laisser en romain. De plus, l’outil n’a pas tiqué sur l’année 1897. Alan Lee est né en 1947, il a commencé sa carrière d’illustrateur dans les années 1970. ChatGPT n’a pas su vérifier la cohérence des informations données.

 


J’aime particulièrement peindre des troupes d’aventuriers, comme dans Le Hobbit. C’est une expérience à essayer !

 

Ces phrases, la cinquième et la sixième, sont bien corrigées (sauf le titre, passé en italique uniquement après ma deuxième demande). L’outil a ajouté le mot manquant et remplacé a par à.

 


Mais imaginez le travail sur les détails quand on s’occupe d’une dizaine de petits êtres à la tête desquels se trouve Gandalf, bien plus grand.

 

Cette septième phrase est également intéressante. L’IA a bien corrigé desquelles pour desquels et elle a ajouté la majuscule au nom propre. Mais elle a remplacé boulot par travail. En clair, elle a pris la liberté de modifier mon niveau de langue alors que je ne lui avais rien demandé. Une erreur impardonnable pour un ou une spécialiste de la correction, car qui la commettrait déposséderait la personne qui écrit de son œuvre. 

 


La fièvre du Seigneur des Anneaux n’est pas prête à retomber, comme à l’époque où on achetait nos badges « Gandalf président ! ».

 

Dans cette dernière phrase, même problème pour le titre qui n’a pas été passé en italique du premier coup. J’aurais également préféré « près de retomber » plutôt que « prête à retomber ». L’outil a, de plus, laissé le point final à l’extérieur du guillemet fermant alors qu’il y a un point d’exclamation à l’intérieur. C’est une séquence qui n’est pas tolérée par les normes de l’Imprimerie Nationale (ce point est sujet à débat, mais étant donné que j’avais donné pour instruction de suivre les recommandations de l’Imprimerie Nationale, force est de constater que le test n’est pas réussi). ChatGPT a pu corriger cela quand j’ai pointé le souci du doigt dans une demande supplémentaire. 

Mais qui irait prendre par la main l’outil afin de l’accompagner pour rectifier chaque omission ?

 


Résumé de l’analyse

J’ai pu tirer un texte presque satisfaisant de ChatGPT, mais seulement après avoir formulé cinq demandes supplémentaires pour corriger des points spécifiques. De plus, malgré mes indications, l’outil n’a pas du tout été en mesure de revoir la deuxième phrase, ni de comprendre l’incohérence sur la date, ni d’enlever l’italique à Fendeval. 

 

ChatGPT sait maintenant gérer les règles typographiques françaises, mais uniquement si on lui en fait la demande et qu’on lui tient la main pour ses erreurs. Mais l’outil est incapable de corriger une phrase complexe (notamment les accords de participes passés dans un contexte où l’auxiliaire avoir est utilisé, ce que j’ai pu vérifier avec d’autres essais), et il ne comprend pas de quoi l’on parle : il ne voit pas les incohérences. 


Enfin, il prend des libertés avec le texte pour éviter les difficultés et pour remplacer certains mots. Ce point est peut-être le plus grave. Aucun correcteur professionnel digne de ce nom ne se permettrait de déposséder l’auteur ou l’autrice de son œuvre : si l’on pense que quelque chose cloche, on écrit un commentaire, on en discute. On échange. Voilà peut-être une tâche dont l’IA n’est pas capable.

 

J’ai également tenté de faire corriger le texte à Bard, l’IA de Google. Le résultat a été catastrophique : l’outil prend encore plus de libertés, n’applique pas les normes typographiques françaises et laisse la plupart des erreurs grossières.

 


Le texte corrigé à la main

Voici la correction manuelle que je propose pour l’extrait. (Veuillez noter que les espaces insécables ne sont pas gérées par le traitement de texte de ce blog, ce qui pourrait générer quelques décalages avec les points d’exclamation et les guillemets en fonction de votre affichage. N’hésitez pas à consulter mon article sur le sujet pour en savoir plus !)

 

J’adore peindre des figurines du Seigneur des Anneaux ! Quand on regarde ma collection, on s’exclame souvent sur « les heures et les heures qu’a nécessitées ce travail d’orfèvre ». Je me suis inspiré des illustrations d’Alan Lee pour les couleurs et le travail sur les textures. Par exemple pour les arbres or et jaune de Fendeval, trouvés chez cet artiste qui a commencé sa carrière dans les années 1970. J’aime particulièrement peindre des troupes d’aventuriers, comme dans Le Hobbit. C’est une expérience à essayer ! Mais imaginez le boulot sur les détails quand on s’occupe d’une dizaine de petits êtres à la tête desquels se trouve Gandalf, bien plus grand. La fièvre du Seigneur des Anneaux n’est pas près de retomber, comme à l’époque où on achetait nos badges « Gandalf président ! »

 

 

Conclusion

ChatGPT est donc un outil qui peut avoir son utilité, mais la question est de savoir pour qui. 

 

Les correcteurs et correctrices corrigent un texte bien plus vite et efficacement que ça, sans avoir à prendre par la main un enfant-IA qui s’excuse et revoit péniblement ses erreurs une à une (en en oubliant un certain nombre, et pas des moindres).

 

Les auteurs et autrices n’ont pas le temps ni forcément les compétences pour vérifier la qualité de la correction, notamment pour la typographie qui est une discipline à part entière. Ils ne pourront pas avoir l’assurance qu’il n’y a pas de fautes, pas d’incohérences, à cause des omissions et libertés prises par l’outil. Enfin, ils n’ont certainement pas envie que leur texte soit modifié de façon arbitraire. Le remplacement du mot boulot par travail est un exemple ridicule de lissage d’une œuvre, qui conduirait immanquablement à une uniformisation des textes en les tirant vers le bas, vers un monde sans saveur, s’il était appliqué à l’ensemble de la production littéraire. 

 

Je suis sûr que vous savez d’ores et déjà reconnaître un article généré par IA, de ceux qui inondent les sites pour susciter du clic. Qui veut des créations fadasses comme celles-là ?

 

Je suis certain que l’IA va continuer ses progrès à la vitesse de l’éclair et qu’elle sera un jour ou l’autre capable de corriger un texte du premier coup. Mais n’oublions pas les biais avec lesquels elle est conçue : ils sont reproduits et amplifiés, ce qui étrangle la créativité. (Et renforce les stéréotypes, ce qui est un autre sujet à part entière.) 

Je doute qu’elle devienne un outil fiable pour la correction professionnelle d’œuvres littéraires. Ce n’est d’ailleurs pas l’usage qui lui est destiné, il y a un tas de domaines pour lesquels l’intelligence artificielle saura se rendre utile. Chez les littéraires, tout au plus servira-t-elle de plume aux « créateurs de contenu » qui cherchent à optimiser leur référencement (jusqu’à ce que ce modèle économique déjà obsolète finisse par s’effondrer).

Créer des noms cohérents dans un univers imaginaire

05/11/2022

Créer des noms cohérents dans un univers imaginaire

J’ai le plaisir de corriger régulièrement des romans de fantasy ou de science-fiction, et ça tombe bien, j’adore ça. Je prends à cœur d’intégrer des remarques d’ordre linguistique pour assurer l’homogénéité de vos univers, parce que je considère que c’est un socle fondamental qui sert la crédibilité de l’œuvre. C’est pourquoi je voulais partager les points qui reviennent le plus souvent dans mes annotations, ainsi que des pistes que vous pourrez choisir de suivre pour vos prochaines créations.


Cet article s’adresse à vous, adeptes, auteurs et autrices de littérature de l’imaginaire. Qui n’a pas hésité en déclinant un nom inventé pour en faire un adjectif ? Qui n’a jamais été perdu par des mots propres à l’univers que nous parcourons des yeux parce que les terminaisons ajoutées n’avaient aucun sens ?


Aujourd’hui, je vais m’attarder sur les points qui me semblent importants pour assurer une certaine cohérence linguistique à son récit, qui en sort enrichi.

 

Il s’agit d’un article d’opinion, comme l’était celui sur le Certificat Voltaire que vous pouvez retrouver ici. De fait, n’hésitez pas à être en désaccord avec moi, et j’omets sans aucun doute des éléments qui vous tiennent à cœur...

 

 

Sommaire

Travailler les graphies
Former les adjectifs
Créer des mots de toutes pièces
Mener des recherches étymologiques
Conclusion
Sources

 

 

1. Travailler les graphies

Lorsqu'on invente ou reprend un nom à son compte, on détermine rapidement s’il convient d’ajouter une majuscule initiale ou non. Pour ceux des personnages, par exemple, c’est très facile de se souvenir qu’ils en prennent une. Et les traits d'union ? Et la correspondance phonétique ? Pas évident !

Qu’en est-il si l’on forme un titre honorifique ou qu’on évoque quelque chose par une périphrase ? Ou tout simplement quand on utilise un titre qui existe déjà, mais qui indique une réalité précise dans l’univers que l’on crée ?

 

Les maîtres mots pour travailler vos graphies sont liberté et cohérence. Peu importe si vous écrivez « la grande-duchesse du bois des Fées » pour désigner « Gruntilda l’éloquente », du moment que vous vous tenez à la place du trait d'union et des majuscules (sauf, bien sûr, si l’intrigue entraîne un changement ou qu’un personnage veut volontairement modifier l’importance qu’il accorde à un autre).
Peut-être que vous écrirez plus loin, sans y penser, « Grande Duchesse du bois des fées, Gruntilda l’Éloquente » ou « grande Duchesse du Bois des fées », allez savoir. Mieux vaut éviter et réfléchir à l'harmonisation en amont de l'écriture.

Essayez de conserver cette logique pour les traits d'union et pour les manières d'écrire des mots qui semblent voisins, susceptibles d'être prononcés par vos personnages d'une certaine façon.

Veillez à l’harmonisation de vos graphies tout au long du texte, sauf si une modification est justifiée.

 

Alors, comment assurer la cohérence quand on utilise une quantité folle de termes, de noms propres, de titres honorifiques, etc. ?

Réfléchissez à ce que les majuscules, les traits d'union et même la manière de prononcer les mots signifient dans votre univers. Pourquoi ne pas mettre de majuscules à « grande duchesse » alors que l’on vient d’en accorder une au « Grand Comte des Dragons » ?

C’est valable pour tout : si vos personnages parlent du « Château » pendant tout le livre, mais que vous laissez une ou deux occurrences du « château », comment feront vos lecteurs pour comprendre qu’il s’agit du même lieu ? Si le « Château » en question désigne un lieu précis, important, identifiable par les personnages, alors gardez la majuscule.

 

Si les incohérences n’ont pas de raison d’être – sachant qu’il est parfaitement possible qu’une incohérence soit réfléchie –, pensez à harmoniser vos graphies pour que vos choix dénotent un monde construit et crédible.

Pour ce faire, prenez des notes, arrêtez vos décisions et intégrez-les à vos fiches de personnages afin de vous faciliter le travail.

 

 

2. Former les adjectifs

Le deuxième point à garder en tête, c’est que les adjectifs tirés de noms propres, inventés ou non, sont avant tout des adjectifs ! Ils perdent la majuscule et varient en genre et en nombre (si vous ne choisissez pas de les rendre invariables). 


« Cette Française est autrice, elle écrit des thrillers. »
« Cette autrice française écrit des thrillers. » 


Dans la seconde phrase, « française » est adjectif et perd la majuscule. 

 

 

Si nous revenons à notre chère Gruntilda l’éloquente, on prendra garde d’écrire qu’elle est « du bois des Fées » – si « Fée » désigne un peuple –, mais qu’elle dirige « le peuple fée ». Je lis trop souvent des noms de peuplades sans majuscule et des adjectifs qui en prennent sans aucune raison !


« Les Fées ont un goût prononcé pour le fromage. » 
« La culture fée est très axée sur le fromage. »

 

 

Et dans le cas d’un adjectif qui pourrait prendre la marque du féminin ? À vous de trancher, vous êtes libres, mais encore une fois, restez cohérent·e·s pendant tout le texte.


« Les Dragons préfèrent le chocolat »
« La culture – choisissez “dragon”, “draconique”, voire “dragonne” (pourquoi pas ?) – déifie le chocolat. »

 

L’important est de donner du sens à ce que vous écrivez. Prenez soin de vos adjectifs, ils enrichissent votre univers.

 

 

3. La création de toutes pièces

Dans le cas des noms ou adjectifs complètement inventés, je lis souvent l’invariabilité ; soit parce que l’on ne pense pas forcément à décliner ses mots, soit par facilité – ce qui est tout à fait valable et même recommandé avec certaines terminaisons. 

 

Mais dans le cas de la variabilité, le plus simple est d’appliquer les règles classiques du français :


« Le territoire bloublou comprend quantité de vignobles. »  
« La reine des Bloublous aime le jus de raisin. »  
« La reine bloubloue aime le jus de raisin. »  


Mais rien ne vous empêche d’écrire « La reine des Bloubloux » et « la reine bloubloute » si vous préférez !

 

 

Personnellement, j’aime aussi quand l’auteur invente un système propre à son monde, différent du français :


« La reine des Bloubloubih aime le jus de raisin. »
« La reine bloublouba aime le jus de raisin. »

 
Ici, la terminaison -bih est un pluriel alors que la terminaison -ba est un féminin. Dans cet univers et pour désigner des peuples dans cette langue, c’est la règle. Et c’est parfaitement acceptable, du moment que l’auteur·ice reste cohérent·e et respecte ce qui est déjà déterminé. Bien sûr, vous pouvez sciemment choisir de bouger les règles en fonction de dialectes ou d’autres contextes (attention néanmoins à ne pas noyer le lectorat).

 

 

4. La recherche étymologique

Vous avez peut-être entendu parler de J. R. R. Tolkien, créateur d’Arda et de toute sa mythologie. Eh bien, sa passion pour la linguistique – qui était aussi accessoirement son métier – n’est pas étrangère à la cohérence de la Terre du Milieu et des différentes langues que parlent les nombreux peuples. Non content d’inventer une multitude de dialectes, il les a fait évoluer dans son univers en fonction du temps et de l’espace, en dotant chacun d’une histoire, de règles grammaticales, d’un vocabulaire et d’usages spécifiques. Tout a un sens, la cohérence est folle et une bonne partie de ses créations proviennent de recherches sur des langues réelles, parfois anciennes. Ainsi, le terme « Arda », qui désigne le monde chez Tolkien, peut venir de l’arabe et de l’allemand.

 

Bien sûr, peu nombreux sont celles et ceux qui peuvent approfondir les langues au point de concevoir un univers linguistique de cette envergure, mais je pense qu’il est parfaitement légitime de réfléchir au sens que l’on donne à nos créations. Je vois parfois des sites qui proposent des « générateurs de noms » de telle ou telle culture. Il suffit d’y piocher pour ne pas se casser la tête et disposer de la liste complète des personnages de son prochain livre qui s’inspirera de la culture en question. Cette solution est viable, mais ne serait-il pas plus intéressant à la fois pour l’auteur·ice et pour l’univers créé de disposer de vocables cohérents ? N’hésitez pas à former vos mots inventés en prenant des dictionnaires de langue pour tenter de souder plusieurs termes. Par exemple, si vous écrivez un roman inspiré de la culture indienne, vous pouvez donner à une figure d’autorité un nom composé de mots qui signifient « grand » et « seigneur » (ou de « laid » et « roi » par exemple, en fonction du personnage) tout en ajoutant votre propre système étymologique.

 

Avec cette méthode, qui demande du temps, les possibilités sont infinies et vous constaterez qu’une cohérence de forme et de fond naît de tout le travail que vous abattez.

 

 

5. Conclusion

Vous l’avez compris, ce que je voulais vous écrire dans cet article, c’est que vous êtes libres de créer tout ce que vous imaginez ; avec réflexion et surtout cohérence au sein d’une même œuvre. Définissez des graphies et des déclinaisons, inventez des mots, faites-les vivre et enrichissez vos univers.

 

 

Sources

Lexique des règles typographiques en usage à l’imprimerie nationale, Imprimerie nationale, 2002.
 
... et mon expérience récente !

Le Certificat Voltaire

02/04/2022

Le Certificat Voltaire

L’apprentissage des règles de la langue française !

Qui se souvient de ses cours de français, de toutes ces heures passées, blotti·es contre le radiateur au fond de la classe à se demander vaguement la signification de « grammaire » et de « syntaxe » (dans le meilleur des cas) ? Pour des enfants et jeunes, ça pouvait vite se transformer en casse-tête, et les classiques hors d’âge au programme n’aidaient pas à se passionner pour le français.


Alors, comment s’extirper des éventuelles insuffisances une fois la scolarité terminée ? La société Woonoz apporte un début de réponse depuis 2010 avec son Certificat Voltaire et son programme de remise à niveau à base « d’ancrage mémoriel ». Est-ce la solution à tous les maux des timides de l’orthographe ? Je vous propose d’y réfléchir ensemble, à partir de mon expérience personnelle.


Après avoir suivi la formation en ligne « Écrire sans fautes », j’ai passé le Certificat Voltaire, épreuve d’orthographe, en février 2022 (et j’ai obtenu le score de 993/1 000). Je ne vais pas m’intéresser ici à l’épreuve d’expression. Je précise également que cet article n’est pas sponsorisé, il ne reflète que mon opinion.

 

Sommaire

Qu’est-ce que le Certificat Voltaire ?
La formation en ligne « Écrire sans fautes » et la préparation à l’examen 
L’examen
Vraiment progresser en français

Sources

 

1. Qu’est-ce que le Certificat Voltaire ?

L’épreuve d’orthographe du Certificat Voltaire est un examen qui évalue la maîtrise de la langue française en se basant sur un score noté sur 1 000 points et dont l’interprétation est divisée en plusieurs paliers : technique, professionnel, affaires et expert. Un premier sujet sur 700 points traite des règles courantes pour un travail de bureau et une seconde partie sur 300 points propose des règles de niveau littéraire. L’objectif pour quiconque tente l’aventure est de valoriser ses compétences en affichant fièrement son score (je plaide coupable), par exemple sur son CV. 


Mais avant de passer un examen, il faut s’y préparer ! Voyons ensemble ce « programme de remise à niveau ».

 

2. La formation en ligne « Écrire sans fautes » et la préparation à l’examen

A. Principes de la formation


Voilà, vous êtes inscrit·e ! Vous avez réglé les 528 € (que je vous conseille de payer avec votre compte personnel de formation si vous le pouvez, parce que ce n’est pas donné), et vous recevez votre code, celui qui vous permet de découvrir les « modules d’entraînement » que promet la formation en ligne « Écrire sans fautes ». Au programme, au moins onze heures d’apprentissage et un manuel de révision envoyé à la maison, Optimiser son score au certificat Voltaire de Marie-France Claerebout. 


À ce prix-là, l’inscription comprend l’accès aux modules en ligne pour quatre mois, le manuel et les frais d’examen. Vous pouvez tout à fait bûcher dans votre coin sans les ressources du « Projet Voltaire » ; dans ce cas, chaque session d’examen coûtera 60 € et vous trouverez le manuel pour 19 € parmi de nombreux autres ouvrages destinés à la préparation de la certification. (Autant l’écrire clairement, si vous ne pouvez pas financer le tout avec votre compte personnel de formation, contentez-vous d’un ou deux manuels ; ils suffiront si vous révisez avec assiduité et l’examen restera le même.)


Ces considérations matérielles évacuées, revenons à la formation en ligne. Chaque module d’entraînement permet de travailler un ensemble de règles, ils sont classés par ordre de difficulté et soumis à une progression linéaire. Vous retrouverez la distinction entre les sujets d’examen professionnel et littéraire, ici appelés « supérieur » et « excellence ». Le principe ? L’ordinateur vous met une phrase devant les yeux ; si vous voyez une faute, cliquez sur le mot incriminé, sinon cliquez sur le bouton « Il n’y a pas de faute ». Le format de travail est différent de celui de l’examen, j’y reviendrai. Ici, une phrase traite une seule règle et aucun mot n’est souligné : c’est à vous de chercher. Entre chaque phrase, vous trouverez le détail du principe à retenir, ce qui permet de réviser tout en avançant dans le module.


Et le manuel, dans tout ça ? Son organisation n’est pas la même : les règles y sont aussi classées en fonction de leur appartenance aux sujets professionnel ou littéraire, mais elles sont ordonnées par thème comme dans un Bescherelle. Vous retrouvez exactement les mêmes qu’en ligne, avec en prime des explications et des exemples différents ; pratique pour compléter les sessions devant écran.

 

B. Les forces du programme


Pour les modules en ligne, tout repose sur « l’ancrage mémoriel » que le département pub de l’entreprise met en avant. À raison, puisque la technologie est plutôt convaincante ! Chaque règle est vue plusieurs fois au sein d’un module, au moyen de différentes phrases. En cas de mauvaise réponse, le programme glissera davantage de fois la même règle dans votre session. Les notions déjà maîtrisées sont évacuées, très vite validées pour ne plus laisser la place qu’à vos lacunes. Les cent quarante règles traitées dans les dix modules « supérieurs » sont entrecoupées de validations qui apparaissent quelques jours plus tard, et qui reviennent sur les fautes commises, histoire de s’assurer que tout est bien « ancré » dans nos petites têtes. Vous pouvez également télécharger des fiches de révision avec exercices et partager vos astuces avec la communauté. Quant aux cent quatre-vingt-dix règles des quatorze modules « excellence », ils observent le même schéma, moins les fiches de révision.


Après vos onze heures de travail, votre cerveau sera conditionné et repérera toutes les erreurs courantes que l’on trouve dans les échanges de courriels au bureau. Ce qui est un peu le but, n’est-ce pas ?


Je dois reconnaître que le système en ligne fonctionne bien et qu’un vrai sentiment de progression s’empare de nous quand on revient sans problème sur une règle qu’on pensait très difficile (coucou l’adverbe « tout », sur lequel j’écrirai un futur article). Je considère également que le manuel papier de Marie-France Claerebout est de bonne qualité et qu’il est très pratique, je l’utilise d’ailleurs en référence pour écrire mes articles. À titre personnel, oui, j’ai progressé depuis que j’ai suivi cette formation.

 

C. Les faiblesses du programme


La grande question à se poser au moment de s’inscrire au Certificat Voltaire, c’est : « Quel est mon objectif ? »

Si vous souhaitez vous préparer au test dans le seul but d’obtenir un score satisfaisant à afficher sur votre CV, foncez. En revanche, si vous voulez progresser en français, c’est-à-dire mieux comprendre les rouages de la langue, l’articulation des mots et leur sens, alors la seule formation prodiguée en vue de l’examen est insuffisante. Voyons pourquoi.


Si l’apprentissage par « l’ancrage mémoriel » est efficace, je suis plus que sceptique sur la manière dont les règles sont présentées. Bien sûr, on ne vous fera pas passer une faute pour une bonne réponse, ça non ! (Et encore heureux.) Mais les explications sont superficielles et reposent sur des remplacements de termes par d’autres ou sur des petits moyens mnémotechniques.

Les modules (et c’est valable également pour le manuel papier) ne prennent que trop rarement la peine d’expliciter la nature et la fonction des mots et le vrai « pourquoi du comment » derrière tout ça. Une règle peut très bien indiquer que tel mot est un adverbe, invariable, avant de démontrer que le même mot peut revêtir la marque du féminin. Pourquoi ? À vous de deviner, et c’est plutôt frustrant.


Pire, un module peut entièrement occulter un pan d’une règle parce qu’il ne colle pas avec ce qui est prévu à l’instant t. Par exemple, vous pourrez lire au niveau « excellence » que « le participe passé ayant pour COD le pronom neutre “l” est invariable, car il remplace une proposition ». Mais qu’est-ce qu’un pronom neutre ? Et une proposition ? Et pourquoi alors le participe passé « vue » s’accorde-t-il dans la phrase : « La fanfare a défilé hier, je l’ai vue passer » ? Heureusement, le manuel nous éclaire et précise que dans le cas de « l’ », il faut bien prendre garde à vérifier si le pronom remplace un mot ou une proposition.


On en vient à une autre faiblesse, un peu plus marginale : le manuel et les modules en ligne sont parfois en contradiction. Par exemple, le niveau « excellence » nous enseigne qu’on « apporte un bébé qui ne marche pas encore ». Soit. Alors pourquoi le livre considère-t-il qu’il s’agit d’une faute, et que la phrase adéquate est : « on amène un bébé », même s’il ne marche pas ? (Par chance, je ne suis pas tombé sur cette question à l’examen ! Comment deviner la réponse attendue par la machine qui corrige ?)


Je termine cette partie avec un peu de sel ; je ne peux que souligner la manière péremptoire dont sont présentées toutes les règles. Si beaucoup sont à appliquer telles quelles, un certain nombre peut faire débat (comme sur des impropriétés ou des expressions inusitées). Mais aucun cheminement intellectuel n’est proposé par les modules ou le manuel, ce qui laisse entrevoir une langue figée dans l’ambre, intouchable, quasi conservatrice. Heureusement que des lexicographes plus modernes, des amoureux et amoureuses d’un français plus ouvert, sont présents ailleurs pour nous éclairer (je pense par exemple aux guides du logiciel Antidote qui aident vraiment au progrès de la réflexion sur la langue). Le sens même des phrases proposées participe au côté bien discipliné du travail de bureau, non sans idéologie.

Quelques exemples : « C'est encore moi qui devrai pallier ton absence ce soir, si tu quittes le bureau plus tôt » ou encore « Quel que soit le besoin, nous ne pouvons recruter un employé commercial en ce moment. » 

Et ma préférée : « Quant aux heures de soutien scolaire, chaque enseignant est prié d'en faire plus. »

Le message est limpide : nous sommes ici sur le « Projet Voltaire » pour réviser un examen calibré comme un défilé militaire, pas pour réfléchir en dehors des clous. Tant mieux si nous retenons des phrases prétendument courantes dans un contexte professionnel, petits soldats que nous sommes.

 

3. L’examen

Vous êtes prêt·e·s ? Vous récitez les règles « ancrées » même dans votre sommeil, au grand désespoir de votre camarade de lit ? C’est le jour j ! Soufflez, et rendez-vous dans votre centre d'examen agréé.


L’épreuve d’orthographe du Certificat Voltaire s’appuie sur les réponses données à un QCM (la courte dictée introductive est très simple et ne change pas le score, mais une réserve peut être apportée au certificat en cas d’erreurs). En deux heures, vous devez relire cent quatre-vingt-quinze phrases qui comportent chacune trois mots ou locutions soulignés, et signifier la présence (ou l’absence) de faute au sein de ces trois éléments en remplissant la ou les cases correspondantes (A, B et C pour les mots soulignés et D s’il n’y a pas de faute). Prenons un exemple pour y voir plus clair :


La ministre complice s’est faite interroger par un aéropage de vingt juges.

 

Ici, vous deviez noircir les cases A et B, car les deux premiers mots soulignés sont mal écrits. Les cases C et D doivent rester vides.


Vous avez deux heures pour analyser près de deux cents phrases, ça passe vite ! Je vous conseille de vous entraîner en amont en conditions réelles, par exemple en imprimant une grille de réponses et en planchant sur le sujet proposé dans le manuel. En principe, vous ne subirez aucun piège : les phrases reprennent les règles vues à l’apprentissage. Prenez garde néanmoins, car elles sont toutes mélangées (hormis le respect de la séparation entre les sujets professionnel et littéraire) et plusieurs interviennent pour chaque énoncé. Je pense que vous devez bien garder à l’esprit que le format auquel vous avez l’habitude ne correspond pas tout à fait à l’examen, ce qui peut en déstabiliser certains et certaines puisque le fondement même de la formation préalable est « d’automatiser » le traitement des fautes. De plus, si la plupart des règles de niveau « supérieur » apparaissent dans le sujet professionnel, seul un tiers (à la louche) de celles du niveau « excellence » viennent vous titiller sur le sujet littéraire. Tant mieux si vous tombez sur vos points forts.


Sachez également que c’est un scanner qui vous évalue et que vous n’avez aucun recours en cas de doute : impossible de conserver son sujet ni de consulter la correction de sa copie. Vous devrez une totale confiance en la machinerie de l’entreprise, et tant pis si elle se trompe parce que vous avez trop peu noirci une case ou trop débordé d’une autre. De toute façon, personne n’en saura jamais rien.


Après environ quinze jours à vous ronger les ongles (si vous êtes de nature anxieuse), vous recevez votre score par courriel, puis le certificat papier dans votre boîte aux lettres. N’oubliez pas de célébrer vos résultats comme il se doit, c’est l’occasion de se laisser inviter au resto par vos proches.

 

4. Vraiment progresser en français

Nous l’avons vu, la formation « Écrire sans fautes » est un très bon moyen de progresser à certains niveaux dans l’optique de valider l’examen, car le programme crée des automatismes chez les candidat·e·s qui pourront, sans hésiter, identifier les règles au moment de plancher (et espérons-le, dans la vie quotidienne). Elle permet donc de répondre efficacement à des besoins ponctuels spécifiques, essentiellement liés au travail de bureau. Mais les lacunes et le manque de profondeur des explications fournies ne permettent pas du tout de se préparer à affronter tous les cas de figure. Dès qu’une phrase sortira du cadre « Certificat Voltaire », même si elle traite d’une règle de grammaire révisée avec les modules, le cerveau risquera de trébucher et de ne pas trouver la solution au problème.


Pour se tirer de tous les mauvais coups de l’orthographe, de la grammaire, de la conjugaison et de la syntaxe, il faut s’entraîner à comprendre les rouages de la langue ; la nature et la fonction des mots, leur agencement. Oui, si vous désirez vraiment progresser en français, vous pouvez vous inscrire à l’examen du Certificat Voltaire, mais faites-le en achetant un Bescherelle que vous consulterez en parallèle et à chaque doute (et c'est un poil plus abordable que la formation, puisqu’on peut acheter le coffret complet à moins de 30 euros).


Le meilleur moyen de s’améliorer, c’est de lire. Des romans, des journaux, des mangas, des magazines, ce que vous voulez.


Après tout, on dit bien qu’apprendre à pêcher permet de manger toute sa vie ; pourquoi se contenter du simple poisson qu'est la certification ?

 

Sources

CLAEREBOUT, M.-F., Optimiser son score au certificat Voltaire, Paris, PUF, 2019.

 

« Certificat Voltaire : la signification de votre score », site du Certificat Voltaire, disponible sur https://www.certificat-voltaire.fr/score-certificat/, consulté le 19 mars 2022.

« Écrire sans fautes », document PDF, site du Projet Voltaire, disponible sur https://www.projet-voltaire.fr/pv-wp/wp-content/uploads/2019/11/CPF-Projet-Voltaire-WAE2M-Ecrire_sans_fautes.pdf, consulté le 22 mars 2022.

« FAQ : Vos questions fréquentes », site du Certificat Voltaire, disponible sur https://www.certificat-voltaire.fr/faq/, consulté le 19 mars 2022.

« Mon programme d'entraînement, niveau excellence », site du Projet Voltaire version 7.2.82.0, disponible sur votre espace personnel du site https://www.projet-voltaire.fr, consulté le 19 mars 2022.

« Mon programme d'entraînement, niveau supérieur », site du Projet Voltaire version 7.2.82.0, disponible sur votre espace personnel du site https://www.projet-voltaire.fr, consulté le 19 mars 2022.

 

... et mon expérience récente !

 

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