© 2024 Pierre Van Hoeserlande
© 2024 Pierre Van Hoeserlande
En plus de la correction professionnelle de tous vos textes, je propose quelques astuces avec ce blog pour répondre aux questions que vous vous posez sur la langue française.
12/05/2023
Aujourd’hui, je vous propose un point rapide sur une règle méconnue, donc peu appliquée, et qui suscite régulièrement des interrogations quand je corrige. Je vous parle de la variabilité ou non des locutions comparatives du type le plus ou le moins.
On compare plusieurs personnes ou choses.
On ne compare pas plusieurs personnes ou choses.
En résumé
Sources
Cette voiture est la plus récente.
Dans cette phrase, la plus détermine l’adjectif récente. C’est en fait une comparaison entre plusieurs voitures, et c’est celle que l’on désigne qui est la plus récente de toutes.
Notez comment le plus est devenue la plus : le déterminant s’est accordé avec le nom féminin voiture. C’est le cas quand on compare plusieurs éléments distincts.
Je descends de vélo lorsque la côte est le plus raide.
Avec cet exemple, le plus détermine l’adjectif raide. Le déterminant ne s’est pas accordé avec la côte, qui est pourtant un nom féminin. Il faut examiner le sens de la phrase pour comprendre : nous ne comparons pas ici plusieurs côtes, nous constatons que c’est à un endroit donné qu’elle est plus raide. C’est à cet endroit que la côte est raide au plus haut degré.
C’est à minuit que la lune est le plus belle.
Dans cet exemple, nous ne comparons pas plusieurs lunes, mais plusieurs « degrés de beauté » d’une même lune. Ici, la lune est « extrêmement » belle à un instant T, et non pas plus belle que les autres lunes. Le déterminant ne s’accorde pas, mais notez comment l’adjectif belle, lui, s’accorde.
Avec les locutions comparatives le plus, le moins, etc., lorsque l’on compare plusieurs personnes ou choses, le déterminant le est variable.
Le matin, elle est la plus attentive.
(Parmi toutes les personnes présentes le matin, c’est elle qui fait preuve de plus d’attention.)
Mais lorsque l’on compare plusieurs degrés de quelque chose en rapport à un seul objet ou une seule personne, alors le reste invariable.
Le matin, elle est le plus attentive.
(C’est le matin qu’elle est au meilleur de sa forme.)
« Accord avec le dans les comparaisons avec le plus, le mieux, le moins », Office québécois de la langue française, disponible sur https://vitrinelinguistique.oqlf.gouv.qc.ca/22465/la-syntaxe/la-comparaison/accord-de-le-dans-les-comparaisons-avec-le-plus-le-mieux-le-moins, consulté le 3 avril 2023.
« La ou le plus expressive », Guide de grammaire, Antidote 11, version 3.1.1. [Logiciel], Montréal, Druide informatique, 2022.
14/04/2023
Lorsque je corrige, je chasse non seulement les fautes, mais aussi les erreurs typographiques et les incohérences. Bien souvent, j’en retrouve dans les dialogues, car l’auteur ou l’autrice n’a pas défini les règles à suivre en amont.
Pour vous éviter de vous emmêler les pinceaux, je vous propose avec cet article non pas un panorama des différents moyens de présenter vos répliques, mais plutôt celui que je préfère, que je trouve le meilleur.
Suivez ces quelques règles et vous disposerez d’une boîte à outils polyvalente qui vous assurera d’écrire des dialogues propres et cohérents.
Cet article parle notamment de retour à la ligne, avec des exemples, c’est pourquoi je vous conseille de le lire sur un écran d’ordinateur, et non un téléphone.
Qu’est-ce qu’un dialogue ?
Guillemets et dialogues
L’enchaînement des répliques
Les incises
La ponctuation des incises
En résumé
Sources
Le Robert définit le dialogue comme un « ensemble des paroles qu’échangent les personnages d’une pièce de théâtre, d’un film, d’un récit ; manière dont l’auteur fait parler ses personnages ».
Ce sont donc des paroles rapportées, des citations. Je vous invite à lire cet article qui reprend les règles à appliquer pour utiliser correctement les citations, car elles s’appliquent aux dialogues.
Maintenant que nous sommes à jour sur les notions élémentaires, continuons.
Je préfère quasi systématiquement utiliser les règles typographiques dites traditionnelles pour les dialogues, à savoir les composer entre guillemets, comme les citations qu’ils sont.
Vous prendrez soin de faire précéder la première réplique par un guillemet français ouvrant (et l’espace insécable ou fine qui le suit) et d’ajouter un guillemet fermant (et l’espace insécable ou fine) après la dernière réplique.
Je sais que la mode est de se passer des guillemets, mais je persiste à penser que prendre la peine de les utiliser permet une grande souplesse dans l’écriture et d’éviter les ambiguïtés ; j’y reviendrai.
Sauf exception, chaque réplique est précédée d’un alinéa (retour à la ligne volontaire) et d’un tiret cadratin (l’espace entre le tiret et la réplique doit être insécable ou fine).
Sur Mac, vous pouvez insérer un tiret cadratin en maintenant la touche option et en appuyant sur la touche -.
Si vous utilisez Windows, utilisez la combinaison suivante : alt + maj + -.
Autrement dit, revenez à la ligne à chaque changement d’interlocuteur et utilisez un tiret cadratin. (Le demi-cadratin est parfois utilisé.)
Seules les répliques qui s’ouvrent avec un guillemet sont dispensées de tiret.
J’insiste aussi sur l’espace insécable : il vous permet d’éviter les très inélégants décalages et mauvais alignements des répliques qu’engendrent les espaces justifiantes. (Je retrouve souvent ce type d’oubli, même dans les livres publiés par de grandes maisons d’édition, notamment numériques. Ne faites pas comme elles, ajoutez une espace insécable.)
Pour plus d’infos sur les espaces et leurs utilisations, je vous renvoie à cet article.
« Voici un exemple de dialogue.
— Mais, à qui parles-tu ? »
Vous constatez ici que la séquence de dialogue est délimitée par des guillemets, et que le changement d’interlocuteur est marqué par un retour à la ligne (alinéa) et un tiret cadratin. La première réplique n’est pas précédée d’un tiret, car elle est ouverte par le premier guillemet.
Une incise est une « proposition généralement courte, tantôt insérée dans le corps de la phrase, tantôt rejetée à la fin, pour indiquer qu’on rapporte les paroles de quelqu’un ou pour exprimer une sorte de parenthèse » (Le Robert).
A) Les incises courtes
Si l’incise est courte et ne termine pas la séquence de dialogue, inutile de fermer les guillemets.
« Je vous assure que c’est pour votre bien, essaya-t-elle, faites-moi confiance.
— Vous nous prenez pour des idiots ! siffla-t-il en réponse. Personne n’est dupe, vous n’offrez de cadeaux qu’à vos amis.
— Vous n’y connaissez rien », affirma-t-elle, péremptoire.
(Dans la pratique, évitez d’utiliser une incise à chaque réplique, ça alourdit le style comme vous pouvez le constater avec ce bref échange.)
Dans cet exemple, vous notez que je n’ai pas fermé les guillemets à chaque incise, mais seulement à la fin du dialogue. La dernière proposition incise se place après la fin de l’échange, elle est la seule exclue des guillemets.
D’ailleurs, on remarque tout de suite le bénéfice des guillemets : il n’y a pas d’ambiguïté sur « péremptoire ». On comprend que le mot appartient à l’incise et non à une réplique, même si cette incise comprend une virgule, car le guillemet fermant est placé avant.
J’ajoute que les incises dont le début est fondu dans une réplique voient leur sujet inversé ; vous savez, le fameux « dit-il ».
B) Les incises longues
Si l’incise est longue, vous pouvez fermer les guillemets et les rouvrir un peu plus loin au besoin. Cela permet d’introduire de nombreuses nuances au sein d’une même réplique ou entre deux.
« Je vous assure que c’est pour votre bien », soupira-t-elle d’une voix mielleuse, mais ferme ; ses yeux trahissaient pourtant un certain manque de conviction. « Faites-moi confiance.
— Vous nous prenez pour des idiots ! Personne n’est dupe, vous n’offrez de cadeaux qu’à vos amis. » Il en avait vu, des menteurs, mais rarement avec un tel aplomb ; le voilà en rogne.
« Vous n’y connaissez rien », affirma-t-elle, péremptoire.
Ici, je ferme les guillemets avant la première incise longue, et, sans retourner à la ligne, je poursuis la réplique en utilisant un guillemet ouvrant. On comprend ainsi que c’est la même personne qui parle. Le retour à la ligne avec le tiret cadratin ne se fait qu’au changement d’interlocuteur.
Après la deuxième incise, qui est placée en fin de réplique, les guillemets ne sont rouverts qu’après le retour à la ligne qui marque le changement d’interlocuteur (le tiret est inutile ici, puisque la dernière réplique est encadrée de guillemets et qu’à l’intérieur de ces guillemets, c’est un même personnage qui parle).
Bien sûr, le même degré de précision est possible sans les guillemets, mais jugez vous-mêmes :
— Je vous assure que c’est pour votre bien.
Ses yeux trahissaient un certain manque de conviction, mais sa voix mielleuse resta ferme.
— Faites-moi confiance.
— Vous nous prenez pour des idiots ! Personne n’est dupe, vous n’offrez de cadeaux qu’à vos amis.
Il en avait vu, des menteurs, mais rarement avec un tel aplomb ; le voilà en rogne.
— Vous n’y connaissez rien, affirma-t-elle, péremptoire.
Vous constatez dans cette version qu’un même texte prend plus de place, puisqu’il faut retourner à la ligne pour introduire les incises longues afin qu’elles ne nuisent pas à la clarté des répliques. Sur un échange, on ne gagne qu’une seule ligne, mais à l’échelle d’un manuscrit entier, ça fait une belle différence. À une époque où les coûts d’impression s’envolent, ce n’est pas anodin et ça ne fait pas de mal d’avoir l’esprit un peu pratique.
De plus, pas facile de s’y retrouver immédiatement. Les deux premières répliques sont dites par le même personnage, mais seul le contexte nous permet de comprendre, pas la typographie.
Cela nuit donc à la clarté et à la fluidité de la lecture, sauf à ajouter une incise supplémentaire pour préciser qui parle ; dans ce cas, bonjour les lourdeurs. (Un comble quand on sait que les guillemets sont réputés lourds : je trouve qu’au contraire ils permettent plus de légèreté.)
Enfin, pour l’incise courte qui termine ce dialogue, c’est encore une fois le contexte, et non la typographie, qui permet de déterminer si « péremptoire » est une réplique ou non. Voilà de quoi sortir les lecteurs et lectrices du livre.
Vous l’aurez compris, je préfère largement la version avec les guillemets : plus compacte, plus précise, elle élimine toutes les ambiguïtés et permet une lecture fluide, notamment pour les incises.
Mais l’auteur ou l’autrice reste libre d’utiliser n’importe quelle méthode, il s’agit simplement de rester cohérent.
A) Les incises courtes
Les propositions incises courtes sont généralement introduites par une virgule.
Si la réplique reprend après, l’incise est suivie d’une virgule et il n’y a pas de majuscule car la phrase n’a pas été interrompue.
« Je vous assure que c’est pour votre bien, essaya-t-elle, faites-moi confiance. »
Si la proposition incise courte termine une phrase, elle est introduite également par une virgule, mais se termine par un point. La phrase suivante commence donc par une majuscule.
« Je vous assure que c’est pour votre bien, essaya-t-elle. Faites-moi confiance. »
Pour une réplique qui se termine par un point d’exclamation ou d’interrogation, n’ajoutez pas de virgule pour introduire l’incise et terminez-la par un point.
« Vous nous prenez pour des idiots ! siffla-t-il en réponse.
— Vous n’y connaissez rien. »
Si la séquence de dialogue se termine, l’incise est à l’extérieur des guillemets, ce qui ne change rien aux règles à appliquer.
« C’est pour votre bien », essaya-t-elle.
B) Les incises longues
Dans le cas d’une incise longue pour laquelle vous avez fermé les guillemets, le principe reste le même.
Retenez que, comme pour les citations, il s’agit de réfléchir à quoi se rapporte la ponctuation.
Ainsi, vous placez la virgule qui introduit l’incise à l’extérieur des guillemets car elle n’appartient pas à la réplique.
« Je vous assure que c’est pour votre bien », soupira-t-elle d’une voix mielleuse, mais ferme ; ses yeux trahissaient pourtant un certain manque de conviction. « Faites-moi confiance. »
Mais vous intégrez le point d’interrogation ou d’exclamation à la réplique, s’il permet au personnage de donner le ton.
« Vous nous prenez pour des idiots ! » siffla-t-il en réponse alors que son interlocutrice levait les yeux au ciel. « Personne n’est dupe. »
Je conseille de composer les dialogues entre guillemets, ce qui permet flexibilité et précision.
À chaque changement d’interlocuteur, retournez à la ligne et commencez la réplique par un tiret cadratin et une espace insécable ou fine.
Les propositions incises sont introduites par des virgules, sauf si la réplique précédente se conclut par un point, un point d’exclamation ou un point d’interrogation. Elles n’interrompent pas les guillemets si elles sont courtes, mais vous pouvez fermer les guillemets et les rouvrir plus loin dans la même réplique si les incises sont longues.
LACROUX, Jean-Pierre, Orthotypographie, sous licence creative commons qu’on peut consulter sur http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/2.0/fr/, 2007.
Le Petit Robert de la langue française 2023, Paris, Le Robert, 2022.
« Typographie du dialogue », Guide de typographie, Antidote 11, version 3.1.1 [Logiciel], Montréal, Druide informatique, 2022.
10/03/2023
J’évoquais le cas des sujets complexes dans mon article à propos de plus d’un·e, que vous pouvez retrouver en cliquant ici.
Aujourd’hui, je m’intéresse aux sujets qui comprennent un nom collectif, c’est-à-dire un nom qui peut être au singulier tout en exprimant une idée de pluralité.
Le nom collectif employé seul
Le nom collectif avec un complément
La plupart
En résumé
Sources
Pour y voir plus clair, prenons quelques exemples de noms collectifs : une foule, une multitude, un ensemble, la totalité, une série, une équipe… Vous avez le choix !
Maintenant, voyons comment on accorde un verbe quand un de ces mots est utilisé seul comme sujet.
Le groupe assura une première partie mémorable.
Ici, le sujet le groupe représente plusieurs musiciens, mais le verbe assurer est conjugué au singulier.
Les troupes encerclèrent même les manifestants pacifiques.
Dans ce deuxième exemple, le sujet les troupes est au pluriel, tout comme le verbe.
Le verbe s’accorde donc avec le nom collectif sujet employé seul, que celui-ci soit au singulier ou au pluriel.
Si le nom collectif et son complément sont tous les deux au pluriel ou tous les deux au singulier, on accorde bien entendu le verbe avec le nombre du sujet et de son complément.
Des hordes de syndicalistes appelèrent à la grève générale.
Le nom collectif sujet peut être suivi d’un complément de nombre différent (le plus souvent, un nom collectif au singulier et un complément au pluriel).
Une armée de manifestants défilèrent pour lutter contre la destruction de notre système social.
Avec cet exemple, j’insiste sur l’idée de pluralité en accordant le verbe avec le complément manifestants.
Le groupuscule d’hypocrites hésita à faire passer la loi en force.
Ici, j’insiste sur l’idée d’unité, de tout, en accordant le verbe non pas avec le complément, mais avec le nom collectif groupuscule.
Dans le cas d’un nom collectif singulier suivi d’un complément au pluriel, on peut accorder le verbe au singulier ou au pluriel en fonction de ce sur quoi on veut insister.
Les guides de grammaire du logiciel Antidote précisent qu’il est plus courant d’utiliser le pluriel pour un nom collectif introduit par un article indéfini (un, une) et que le singulier est préférable pour un nom collectif introduit par un déterminant défini, démonstratif ou possessif.
Quand le nom collectif la plupart est employé sans complément, le verbe s’accorde au pluriel.
La plupart s’abstiennent.
Si la plupart est suivi d’un complément, le verbe s’accorde avec ce dernier. (Mais le singulier est très rare.)
La plupart des manifestants ont plus d’une raison de défiler.
La plupart du monde présent a plus d’une raison de défiler.
Le verbe s’accorde avec le nom collectif employé seul.
Le verbe s’accorde avec le nom collectif qui a un complément pluriel pour insister sur l’idée de globalité, de tout.
Le verbe s’accorde avec le complément pluriel d’un nom collectif pour insister sur l’idée de multitude, de pluralité.
Le nom collectif la plupart est presque toujours suivi d’un verbe au pluriel, même s’il n’a pas de complément.
LAURENT, N., DELAUNAY, B., Bescherelle, la grammaire pour tous, Paris, Hatier, 2019.
« Accord avec le sujet », Guide de grammaire, Antidote 11, version 3.1.1 [Logiciel], Montréal, Druide informatique, 2022.
03/02/2023
S’il y a un point commun entre tous les manuscrits que je corrige, c’est bien la relative légèreté avec laquelle sont traitées les citations. Ponctuation placée à l’intérieur ou à l’extérieur des guillemets sans raison, utilisation d’un seul type de guillemets dans des citations imbriquées, deux-points égarés… Le problème vient surtout des incohérences que je relève souvent au sein d’un même livre.
Dans cet article, je prends le temps de vous expliquer une logique à suivre pour que vos citations soient claires et cohérentes. Les possibilités étant très complexes, j’insère des cas particuliers dans mes exemples.
Qu’est-ce qu’une citation ?
Les guillemets
La ponctuation
Les références
En résumé
Sources
D’après le dictionnaire d’Antidote, une citation est un « passage d’un auteur, d’un texte rapporté exactement ». Tenez, cette définition est elle-même une citation ! C’est une définition que je trouve plus juste que celle du Robert, qui met plutôt l’accent sur la notabilité de l’auteur que l’on cite, et elle a le mérite d’être claire.
Dans le Lexique des règles typographiques en usage à l’Imprimerie Nationale, la définition est complétée ainsi : « Les paroles et pensées attribuées à des personnages et rapportées en style direct, isolées ou constituant des dialogues […], les lettres citées, les vers cités, les devises, dictons, maximes et proverbes. »
Cas particulier 1 : citation abrégée
La partie manquante d’une citation abrégée est remplacée par des crochets encadrant des points de suspension : […].
Si l’on abrège une fin de citation, on peut insérer des points de suspension à la fin, à l’intérieur des guillemets, ou bien l’abréviation etc. à l’extérieur des guillemets.
Le problème avec les définitions issues des dictionnaires, c’est qu’elles ne nous aident pas à composer des citations.
Voyons donc comment façonner proprement des citations dans nos écrits. Je propose ici un système qui me semble employé majoritairement, et à raison, puisqu’il permet de composer avec une clarté et une flexibilité sans failles. Notez cependant qu’il n’y a pas de règle immuable, surtout des bonnes habitudes, et qu’il convient d’adapter ses pratiques en fonction du contexte, du moment que l’on reste cohérent au sein d’un même manuscrit.
A) Règle générale
La règle d'or est simple : composez les citations entre guillemets français (« et »).
Le guillemet ouvrant est suivi d'une espace insécable (ou fine, selon les usages), et le guillemet fermant est précédé d'une espace insécable (ou fine). Pour plus d'informations sur les espaces, je vous renvoie à cet article.
« Ceci est une citation. »
Les points suivants sont plus situationnels, mais il convient de les connaître pour savoir quoi faire le moment venu.
B) Longue citation
Si la citation est très longue et qu’elle comprend un ou plusieurs alinéas (retours à la ligne volontaire, pourrait-on dire, qui mettent souvent en avant une autre idée), ajoutez un guillemet ouvrant en début d’alinéa, mais ne laissez qu’un seul guillemet fermant en fin de citation.
« Un jour, César ma dit que sa psychose névrotique était causée
par un traumatisme tout ce qu’il y a de plus freudien. Une histoire
avec sa mère, ou quelque chose comme ça. Et moi qui pensais qu’il
était sain d’esprit !
« J’ai toujours trouvé que sa mère était absente. À ce propos… »
Cas particulier 2 : fausses citations
Les fausses citations sont traitées de la même façon que les vraies.
C) Les citations de deuxième rang
Si votre citation comprend elle-même une citation, je vous conseille de suivre la méthode moderne qui consiste à hiérarchiser les différents types de guillemets, contrairement à ce que recommande l’Imprimerie Nationale (qui préfère l’usage exclusif du guillemet français, au risque de nuire à la lisibilité).
Ainsi, encadrez vos citations de premier rang par des guillemets français, et celles de deuxième rang par des guillemets anglais doubles.
« Un jour, César m’a dit qu’il avait “tout fait pour accaparer le
pouvoir en raison d’un traumatisme tout ce qu’il y a de plus freudien
ayant causé un désir de contrôle de l’ordre de la psychose névrotique”. »
L’usage traditionnel (et aujourd’hui désuet), requiert un guillemet français ouvrant (ou fermant, pour Lacroux dans son dictionnaire raisonné Orthotypographie) au début de chaque ligne pour la citation de deuxième rang, à vous de juger. C’est ce que l’on appelle les « guillemets continus », mais j'évite de les utiliser.
« Un jour, César m’a dit qu’il avait « tout fait pour accaparer le
« pouvoir en raison d’un traumatisme tout ce qu’il y a de plus freudien
« ayant causé un désir de contrôle de l’ordre de la psychose névrotique. »
Cas particulier 3 : fin de deux citations en même temps
Notez que si les deux citations se terminent en même temps dans l'usage traditionnel, les deux guillemets fermants français sont fondus en un seul. Par contre, dans l'usage moderne, pensez bien à fermer les guillemets anglais et français.
D) Les citations de troisième rang
Enfin, si votre deuxième citation comprend elle-même une citation, dite de troisième rang, Lacroux suggère l’emploi de l’italique plutôt que des guillemets anglais simples. Cela permet de clarifier le texte tout en étant parfaitement compréhensible pour le lecteur.
« Un jour, César m’a confié qu’il avait “tout fait pour accaparer le
pouvoir, je cite, en raison d’un traumatisme tout ce qu’il y a de plus
freudien, que le médecin qualifie de psychose névrotique aggravée qui
risque d’en faire voir de toutes les couleurs aux Gaulois”. »
Cas particulier 4 : incises
Les incises courtes sont possibles au sein d’une citation sans rompre les guillemets. Dans l’exemple précédent, c’est le cas de je cite, qui est un commentaire du locuteur qui cite César. Si l’incise est longue ou introduit des deux-points, interrompez les guillemets que vous reprenez ensuite.
Vous avez pu le constater avec mes exemples précédents, la place de la ponctuation varie beaucoup.
Elle suit en fait des règles qui sont très logiques.
A) Les phrases complètes
Retenez que dans le cas d’une citation qui forme une phrase complète, et qui peut souvent être introduite par deux-points, alors la ponctuation se place à l’intérieur des guillemets, avant le guillemet fermant. D’ailleurs, ces phrases complètes sont facilement identifiables : elles commencent par une majuscule (à ne pas oublier).
Elle m’a dit : « C’est une phrase complète. »
B) Les morceaux de phrase
À l’inverse, dans la plupart des cas, la citation ne forme pas une phrase complète. On peut retrouver des bouts de citations au milieu d’une phrase comme ici :
Elle m’a dit de « me dépêcher ». Et « plus vite que ça ! », a-t-elle ajouté trente secondes plus tard.
Ici, la ponctuation n’apparaît pas dans la citation (me dépêcher), sauf dans le cas particulier où elle serait indissociable du propos rapporté (et plus vite que ça !, pour marquer le ton). Dans ce dernier cas, la ponctuation ne termine pas la phrase, qui se poursuit normalement.
Cas particulier 5 : choix de la ponctuation
Si le morceau de citation termine la phrase avec un signe de ponctuation qui serait différent, à vous de choisir ce qui vous semble le plus logique en fonction du contexte.
Elle a m’a dit de « me dépêcher » !
Cette phrase ci-dessus signifie que c’est le locuteur qui rapporte la citation qui s’exclame : la ponctuation est à l’extérieur des guillemets.
Elle m’a demandé que je fasse « plus vite que ça ! »
Le locuteur rapporte ici le ton de la personne qu’il cite : la ponctuation est à l’intérieur des guillemets et on n’ajoute aucun signe après.
Si le début de la citation est fondu dans le texte, la ponctuation se place à l’extérieur des guillemets.
Elle m’a dit que « César était devenu un fou dangereux à cause de sa soif de pouvoir ».
Enfin, on applique la même logique pour les citations de deuxième rang.
J’ai lu : « Elle a affirmé que “César était devenu un fou dangereux à cause de sa soif de pouvoir”. »
Dans cet exemple, la citation forme une phrase complète introduite par deux-points. Elle commence par une majuscule et se termine par la ponctuation à l’intérieur des guillemets de premier rang, mais à l’extérieur des guillemets de deuxième rang (puisque cette dernière est une citation dont le début est fondu dans la première citation).
Je lis qu’« elle a affirmé que “César était devenu un fou dangereux à cause de sa soif de pouvoir” ».
Dans cet autre exemple, le début de la première citation est fondu dans la phrase principale : la ponctuation est à l’extérieur des guillemets.
Retenez que seule la ponctuation qui fait partie intégrante d’une citation se place à l’intérieur des guillemets.
Qui dit citations, dit références. C’est simple : elles se composent entre parenthèses, avec leur propre ponctuation si la citation se termine elle-même par une ponctuation.
Et il dit : « Veni, vidi, vici. » (Jules César.)
Mais :
Encore une phrase célèbre que ce « veni, vidi, vici » (Jules César).
Les citations sont encadrées par des guillemets français et, dans le cas d’une citation de deuxième rang, possiblement par des guillemets anglais doubles.
Si la citation correspond à une phrase complète, elle commence par une majuscule et se termine par un signe de ponctuation placé à l’intérieur des guillemets.
Si la citation est partielle, ou que le début est fondu dans une phrase, la ponctuation se place généralement à l’extérieur des guillemets, sauf si elle est indissociable de la citation.
Antidote 11, version 3.1.1 [Logiciel], Montréal, Druide informatique, 2022.
Lacroux, Jean-Pierre, Orthotypographie, sous licence creative commons qu’on peut consulter sur http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/2.0/fr/, 2007.
Le Petit Robert de la langue française 2023, Paris, Le Robert, 2022.
Lexique des règles typographiques en usage à l’Imprimerie nationale, Imprimerie nationale, 2002.
09/01/2023
Viens le prendre.
Prends-le.
Le trait d’union ! Encore un signe auquel on prête peu d’attention, et que pourtant nous utilisons tous les jours. Parfois, on ne s’en rend pas compte et tout se passe bien, parfois on peut s’arracher les cheveux avant de trancher s’il en faut un ou non dans un contexte donné.
Aujourd’hui, je reviens sur son usage dans la composition des verbes conjugués à l’impératif, car la règle n’est pas évidente. Je vais vous l’exposer et vous donner l’astuce qui permet de ne plus se tromper.
Qu’est-ce qu’un trait d’union ?
Qu’est-ce que l’impératif ?
Comment utiliser les traits d’union avec les verbes à l’impératif ?
Comment éviter les pièges de l’impératif ?
En résumé
Sources
Un trait d'union, c'est un caractère qui prend la forme d’un petit trait horizontal : -
Beaucoup d’utilisateurs d’ordinateurs Windows vous parleront du « tiret du 6 » pour le désigner.
Pourtant, il ne faut pas confondre le trait d’union et les tirets.
Le Robert nous informe que le premier sert de « liaison entre les éléments de certains composés […] et entre le verbe et le pronom postposé ».
À l’inverse, le tiret, plus long et de longueur variable, sépare des éléments au sein d’une proposition ou marque le changement d’interlocuteur dans un dialogue. De fait, trait d’union et tiret ont un usage opposé !
Voici le tiret demi-cadratin : –
et le fameux tiret cadratin des dialogues : —
Trois longueurs, trois caractères, beaucoup d’usages différents !
Plus clairement, Antidote nous dit que le trait d’union établit « une unité lexicale ou grammaticale entre les éléments qu’il relie ». L’unité lexicale est retrouvée dans les mots composés, comme grand-père et l’unité grammaticale dans plusieurs contextes, dont celui des verbes à l’impératif.
L’impératif est un mode personnel non temporel qui permet au verbe d’exprimer un ordre, un conseil, une prière, une interdiction, une suggestion… C’est une forme de verbe qui ne se conjugue qu’à la deuxième personne du singulier et aux première et deuxième personnes du pluriel. Le sujet n’est pas exprimé, ce qui permet souvent de le différencier du présent de l’indicatif.
Mange tes brocolis !
Le sujet n’est pas exprimé, la deuxième personne du singulier ne prend pas de « s » alors que c’est un verbe du premier groupe, le sens de la phrase exprime un ordre : le verbe est à l’impératif.
Les pronoms personnels compléments d’un verbe à l’impératif se placent après lui et y sont liés par un trait d’union.
Mange-les !
Ici, les est complément d’objet direct du verbe manger. C’est un pronom qui complète le verbe, on le lie par un trait d’union.
La règle s’applique à tous les pronoms qui se rapportent à un verbe donné.
Donne-les-moi.
Ici, les est complément d’objet direct et moi complément d’objet indirect du verbe donner. Tous les pronoms sont reliés au verbe par un trait d’union.
Si le premier pronom est élidé et se termine donc par une apostrophe, le trait d’union n’apparaît pas.
Garde-t’en de côté pour plus tard.
La difficulté de cette règle vient d’une subtilité : tous les pronoms à la droite du verbe à l’impératif ne se rapportent pas forcément à celui-ci.
Viens les jeter à la poubelle.
Ici, les est complément d’objet direct du verbe jeter, et non du verbe à l’impératif venir. Il n’y a pas de trait d’union.
Regarde-le les jeter à la poubelle.
La subtilité peut vite devenir complexe quand on multiplie les pronoms. Ici, le est complément d’objet direct de regarder ; il est lié au verbe à l’impératif par un trait d’union. Les est complément d’objet direct de jeter, il n'est pas lié par un trait d'union.
Une méthode simple pour déterminer les pronoms qui se rapportent au verbe à l’impératif est de passer la phrase à l’indicatif. Les pronoms qui se placent alors avant le verbe qui était à l’impératif sont des compléments de ce verbe, ceux qui viennent après n’en sont pas.
Ainsi, si l’on reprend l’exemple précédent, on n’écrit pas :
*Tu regardes le les jeter à la poubelle*
La phrase correcte est :
Tu le regardes les jeter à la poubelle.
Dans cette phrase, seul le pronom placé avant le verbe regarder renvoie à lui et y est lié par un trait d’union à l’impératif.
Les pronoms personnels compléments d’un verbe à l’impératif sont liés à lui par un trait d’union, même si plusieurs se suivent.
Attention aux pronoms compléments d’un autre verbe, qui eux ne sont pas reliés par un trait d’union au verbe à l’impératif.
La méthode pour déterminer de quel verbe un pronom est complément est de passer la phrase à l’indicatif : seuls les pronoms qui se placent avant le verbe qui était à l’impératif sont liés à lui.
LAURENT, N., DELAUNAY, B., Bescherelle, la grammaire pour tous, Paris, Hatier, 2019.
Le Petit Robert 2023, Paris, Dictionnaires Le Robert, 2022.
« Pronoms : trait d’union après l’impératif », Guide de syntaxe, Antidote 11, version 2.1 [Logiciel], Montréal, Druide informatique, 2022.
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